Comprendre la révolution de l’épigénétique

En adoptant de bons réflexes de prévention, nous pouvons orienter notre code génétique pour éviter la maladie. Une révolution extraordinaire ! Questions à Joël de Rosnay, qui a écrit « La symphonie du vivant » pour expliquer comment l’épigénétique va changer notre vie.

Quels sont les principaux enseignements de l’épigénétique ?

Joël de Rosnay : Il apparaît de plus en plus clairement que notre code génétique (qui reste immuable) peut être modifié dans son expression. L’idée n’est pas complètement nouvelle, les scientifiques ont observé depuis longtemps que les abeilles, qui naissent avec le même code génétique, peuvent avoir un destin complètement différent en fonction de leur alimentation. Une larve nourrie à la gelée royale, qui absorbe beaucoup d’acide folique, sera plus grosse, pondra des œufs et vivra beaucoup plus longtemps que ses sœurs.

Le code génétique ne change pas sous l’effet de l’environnement, mais certains gènes sont allumés, éteints, amplifiés ou inhibés. Et l’effet est énorme ! La nouveauté est d’avoir décrypté ce phénomène au niveau moléculaire et aussi d’avoir compris qu’il est universel. L’épigénétique concerne tout le vivant et s’applique aussi à nous, les humains !

Joël de Rosnay : comment l’épigénétique va changer notre vie

Dans quelle mesure l’épigénétique concerne-t-elle notre santé ?

J. D-R : Avec notre code génétique, nous sommes prédisposés à contracter certaines maladies, à vieillir d’une certaine façon, et nous avons hérité des forces et des fragilités de nos ascendants. Malgré tout, notre avenir est bien moins déterminé qu’on ne le pensait il y a encore 10 ans. Nous savons depuis longtemps que notre mode de vie (alimentation, activité physique, stress, sommeil, etc.) joue un grand rôle pour nous maintenir en bonne santé. Mais désormais nous pouvons mesurer l’effet de ces bonnes habitudes et développer la médecine préventive comme jamais auparavant.

Le médecin traditionnel faisait un diagnostic, prescrivait des médicaments et un traitement. Dans le futur, il analysera notre génome, proposera en fonction une prévention personnalisée dans l’objectif d’une bonne maintenance de la santé. La médecine se définira par 4 « P » : elle sera prédictive, préventive, personnalisée et participative. Participative parce que chacun, à partir d’objets connectés, pourra mesurer son activité physique, son rythme cardiaque, sa composition sanguine et quantité d’autres indicateurs qui feront de lui un patient augmenté capable de collaborer avec son médecin.

L’épigénétique, n’est-ce pas une responsabilité écrasante ?

J. D-R : Je le vois d’une façon positive et non culpabilisante : je peux faire quelque chose pour moi, je peux me faire du bien ! Chacun a le pouvoir de se ménager, de manager son corps. Rechercher l’équilibre en mangeant modérément, faire régulièrement de l’exercice, dormir suffisamment demande certainement quelques efforts, mais le bien-être de son corps constitue une grande récompense.

D’ailleurs, tout n’est pas du côté de la rigueur ! Il est également recommandé de fuir le stress et de rechercher le plaisir, la convivialité, les interactions agréables (amicales, familiales, professionnelles, amoureuses, etc.) qui sont très favorables à la bonne santé mentale et physique et permettent de vieillir jeune !

Manager son corps, qu’est-ce que cela signifie ?

 J. D-R : Comprendre que, comme la planète, notre corps est un système complexe, et qu’on peut réfléchir pour soi, comme pour elle, à un avenir durable. Et aussi que pour agir efficacement dans un système complexe, il faut l’envisager dans sa globalité.

Mieux qu’un développement durable, pour le corps comme pour la planète, je préconise un développement adaptatif régulé. Cela consiste pour l’individu à s’économiser, à se maintenir dans un équilibre qui lui permet de s’adapter. Parallèlement à l’écologie, il faudra pour cela développer ce que j’appelle la « bionomie », la science de la gestion de la vie. Je trie mes déchets, j’évite de polluer, j’économise l’eau et l’énergie… Pourquoi ne pas en faire autant pour son corps ?