Les clés pour réussir à baisser sa consommation d’alcool

Si nous buvons moins d’alcool aujourd’hui que par le passé, une grande partie des Français en consomme trop ou trop souvent. Mais comment faire pour diminuer sa dose hebdomadaire tout en continuant à se faire plaisir ? Eva Rebane-Kristensen, alcoologue spécialisée en psychothérapie psycho-corporelle, nous décrypte le mécanisme d’addiction à l’alcool afin de mieux comprendre les leviers pour lever moins souvent le coude.

Après avoir levé son verre plus que de raison, il est temps de lever… le pied sur sa consommation d’alcool. Si le champagne a coulé à flot lors des fêtes de fin d’année, ou si le rosé a trop arrosé vos vacances d’été, il est peut-être temps de mettre son foie et son organisme au repos. Et surtout d’évaluer sa véritable consommation que l’on a souvent tendance à minimiser, de prendre conscience de son degré de dépendance et de relation avec les boissons alcoolisées. Psychothérapeute spécialisée en alcoologie et dans les grandes dépendances, Eva Rebane-Kristensen nous explique les mécanismes à l’œuvre dans notre consommation d’alcool pour mieux agir en toute connaissance.

Les Français ont diminué leur consommation d’alcool, mais… 

Bonne nouvelle, depuis 50 ans les Français boivent beaucoup moins. Alors qu’en 1961, nous buvions l’équivalent de 26 litres d’alcool pur par an et par habitant de plus de 15 ans, ce volume est passé à 11,7 litres en 2017. Cette baisse est essentiellement due à la diminution de la consommation quotidienne de vin à table. Mais les Français demeurent encore parmi les plus grands consommateurs d’alcool au monde (6e rang parmi les 34 pays de l’OCDE). Et cette pratique est bien ancrée dans nos habitudes : 87 % des 18-75 ans consomment de l’alcool au moins une fois par an et près d’un quart de la population adulte dépasse les repères de consommation et boit entre une et trois fois par semaine. La valeur repère chez l’adulte a été établie à 10 verres d’alcool standard par semaine, sans dépasser 2 verres standard par jour, avec idéalement des jours sans consommation.
« L’alcool est un produit qui a sa place dans nos sociétés, avec un rôle de liant social. C’est avant tout une substance qui désinhibe, qui permet de dire des choses, on y trouve du plaisir, de l’ouverture, on se sent mieux. La consommation arrive par des rites d’initiation quand on est jeune puis elle s’installe lors des repas, des apéros, des fêtes. C’est une habitude sociale qu’on ne remet pas en cause. Et pourtant, elle peut devenir très sournoise et mener à la dépendance », prévient Eva Rebane-Kristensen.

Comment mesurer sa consommation d’alcool? 

Avant de modifier sa consommation, il s’agit d’abord de l’évaluer. « Il est important de savoir comment vous consommez de l’alcool, dans quelles situations, à quelle fréquence et en quelle quantité », observe alcool-info-services, service national d’aide à distance en matière d’alcool. Le site a mis en ligne son « alcoomètre », un questionnaire simple et rapide pour renseigner sa consommation hebdomadaire. L’outil compare ensuite votre consommation avec d’autres femmes et hommes du même âge en termes de quantité et de fréquence. La consommation est classée en trois catégories (nulle, raisonnée, excessive). Et le site rappelle les risques liés à une surconsommation : cancers, AVC, hypertension, diabète, prise de poids…
« La question de la consommation est complexe. Nous ne sommes pas tous égaux face à l’alcool et il y a des personnes pour qui deux verres par jour sera beaucoup trop. Nous avons tous en nous un noyau de dépendance, lié à des peurs enfouies comme celle de l’abandon, mais à des degrés très divers. Et c’est surtout la fréquence qui importe, plus que la quantité. Le déni est aussi un partenaire de l’alcool et on peut avoir tendance à minimiser sa consommation lors d’un test », avertit Eva Rebane-Kristensen. Alors comment connaître sa dépendance aux boissons alcoolisées ?

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Prendre conscience de sa consommation d’alcool avec un défi d’abstinence 

« L’abstinence passagère est le seul moyen d’explorer sa dépendance à l’alcool et d’en prendre conscience », souligne la psychothérapeute. « Il est possible d’en faire un temps ludique, avec sa famille ou ses amis, en proposant une période d’abstinence de plusieurs jours ou semaines. Puis de s’en parler. Cela permet de mesurer sa propre dépendance et de voir comment les autres réagissent. Que se passe-t-il par exemple si j’organise un repas familial ou amical sans alcool ? ».
C’est dans cette optique que l’organisation britannique Alcohol Change UK a lancé en 2013 le « Dry January », relayé en France par des associations et des collectivités sous le nom de « Défi de janvier ». Il s’agit d’une campagne qui invite à faire une pause dans sa consommation d’alcool pour ce premier mois de l’année. Le site officiel liste parmi les bénéfices un meilleur sommeil, une perte de poids, des économies d’argent, une meilleure santé et un sentiment de fierté. Il invite à « reprendre le contrôle sur votre consommation d’alcool ».

Les trois étapes de la consommation d’alcool, de l’habitude à la dépendance

Pour Eva Rebane-Kristensen, cette période d’abstinence permet de se situer dans les trois étapes de la relation avec l’alcool :

  • L’habitude. Je bois pour me sentir mieux, de temps en temps, lors de rituels comme le repas. Le problème de l’alcool, c’est qu’on ingère une substance, l’éthanol, un psychotrope que notre corps ne produit pas et ne veut pas métaboliser. Le foie et le système nerveux vont devoir faire des efforts. Jusqu’au moment où le corps et le cerveau vont créer et installer une sorte de programme pour éliminer d’alcool absorbé. Lorsque ce mécanisme est enclenché, le corps va réclamer de l’alcool pour faire tourner ce programme.
  • La compulsion. C’est plus fort que moi. A table ou à l’apéro, je ne peux pas ne pas boire. C’est la zone de danger. Il n’y a pas encore un manque physique. On boit par peur de ne pas être et faire comme les autres.
  • La dépendance (je n’ai plus le choix, il me le faut). La substance a pris le dessus et le corps la réclame. La volonté ne suffit plus pour arrêter. Il faut alors une cure de sevrage et un solide accompagnement en vue d’une abstinence totale.

Alors comment baisser sa consommation d’alcool ?

« Dans les deux premiers cas, il faut changer ses habitudes et donc avoir un peu de volonté pour y parvenir », souligne la psychothérapeute. On peut par exemple arrêter d’avoir du vin, de la bière ou de la vodka à la maison. On peut s’interdire de boire seul, donner ses rendez-vous dans un salon de thé, un coffee shop plutôt que dans un bistrot.
Le site alcool-info-services recommande par exemple de se fixer des objectifs concrets, comme un nombre de verres à ne pas dépasser quand on boit, de retarder le moment du premier verre ou de définir une heure à partir de laquelle ne plus boire. Il conseille également de changer ses habitudes en pratiquant un sport, des activités créatives, en faisant des sorties culturelles, et de remplacer l’alcool par une autre boisson.
« Il s’agit de changer les rituels et le décor. Mais on fait vite face aux comportements sociaux et au jugement des autres. Il faut apprendre à dire non et avoir du soutien dans son entourage », résume Eva Rebane-Kristensen.

L’entourage, un facteur clé pour réussir à réduire sa consommation d’alcool 

« Car l’entourage peut aider dans la prise de conscience de sa relation avec l’alcool, ce qui est la première étape pour prendre des décisions. La consommation excessive ou régulière d’alcool entraine un sentiment de honte et de culpabilité que l’entourage peut aider à atténuer quand il y a cette prise de conscience. Il est donc important d’en parler et de faire savoir que l’on souhaite baisser sa consommation », indique-t-elle.
« La clé pour gérer sa consommation ou l’abstinence, c’est l’engagement. Je fais un choix et je m’engage auprès de mes proches, de mon médecin, de mon thérapeute à le respecter. Je dis souvent à mes patients : l’engagement est tout ce qu’il me reste lorsque je n’ai plus de courage ni de volonté. C’est pour cela qu’une des méthodes efficaces pour arrêter ce sont les groupes d’entraide et de parole comme les Alcooliques anonymes ».

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par Alptis le 19/01/2023 à 15:34

Michèle,
Merci pour votre témoignage qui donne un éclairage très juste sur une population (loin d'être minoritaire d'ailleurs), les abstinents, ceux qui n'ont pas d'attrait pour les boissons alcoolisées ou qui font le choix de ne pas/ne plus boire.
Vous avez raison de questionner les comportements qui sous prétexte de la fête, envoient l'injonction de consommer de l'alcool. Il est toujours bon de rappeler que même hors pathologie, nous sommes en droit de refuser tout aliment quel qu’il soit, chacun est maître de ses choix et cela ne devrait jamais être discuté.


par Michèle le 10/01/2023 à 22:02

Je suis une infirmière psy à la retraite...et dans le Maine et Loire, mon département, les alcooliques contituent une grande part des hospitalisations.
Pour ma part je ne consomme pas d'alcool. Je n'ai aucun gout pour vin, alcool et autres, même aucun plaisir à boire une boisson alccolisée. Il est malgré tout important de montrer que l'on peut faire la fête sans consommer de l'alcool. Il est parfois necessaire de se montrer ferme, sinon direct, pour faire comprendre "que non, je ne veux pas d'alccol". Dans de tels cas face à l'insistance je répond "offrez moi des chocolats pralinés..ça je dépasse les bornes!".
 Merci de tous ces conseils. seulement un alccolique ne se reconnait jamais comme tel, et va nier sa dépendance jusqu'à se retrouver en près délirium et encore plus. J'ai vu des patients rire en voyant une personne en pleine crise de délirium. Ils riaient moins quand je leur disais que même pas quelques jours plus tôt ils étaient comme ce patient.
Cordialement
Michèle